Jaws 3D par Romain Néophyte

Même si ces photographies ont un arrière goût de déjà-vu, je peux vous certifier que ce nouvel objet estampillé Jaws 3D n’a jamais été traité dans ces pages. Pourtant, il faut bien admettre que cette merveille ressemble fortement au dépliant publicitaire US de 1982 et au pop-up brochure sorti la même année… Au chapitre des différences, on soulignera donc la tagline The Big one for the summer (à la place de Coming) sur la première page et la mention « Contact your local Universal representative for information » au verso.

Mais la grosse surprise concerne les deux pages centrales qui abandonnent le désormais célèbre requin pic à glace au profit d’un étrange visuel déjà aperçu sur les couvertures des différents disques vinyles de la bande originale d’ Alan Parker. Un choix artistique particulièrement étonnant, vous en conviendrez… A moins que cet encart publicitaire (issu d’ un magazine) soit tout simplement antérieur à 1983. Ce qui laisserait sous-entendre que l’ oeuvre dépeinte ici même n’ est qu’une des premières versions du fantastique artwork signé Gary Meyer.

L’ indispensable magazine L’ Ecran Fantastique s’ est toujours montré un peu trop tendre avec l’ ensemble des productions cinématographiques de ces 40 dernières années. On compte donc sur les doigts d’ une main les films à avoir réveillé la colère de Schlockoff et sa bande… et Les Dents de la mer 3 n’ en font visiblement pas partie si on en juge à la critique dithyrambique parue dans le numéro 54 de mars 85 à l’ occasion de la sortie vidéo. Pourtant, connaissant la qualité toute relative de la VHS mise sur la marché locatif (Pan & Scan, version française en roue libre et absence de relief ), on aurait pu craindre le pire… A croire que Jaws III se consomme bien mieux dans le confort de son canapé et devant sa télévision à tube cathodique qu’ au cinéma! En tout cas, quel plaisir pour le fan de lire qu’ avec son scénario qui « respecte l’ esprit de la série« , le film se révèle être un « spectacle divertissant et sympathique » à la « mise en image soignée » et aux « effets spéciaux hallucinants  de vérité » ! Sans parler de ce « nouveau requin dû au talent de Roy Arbogast qui lui confère une mobilité et un réalisme jamais atteint, contribuant à instaurer quelques instants de pure terreur« … Inutile de vous préciser que je n’ ai  rien à voir avec cette merveilleuse déclaration d’ amour… Merci à Alex pour les scans.

En épluchant les archives du journal Lakeland Ledger (du moins celles de 1983), on tombe régulièrement sur des informations liées à notre film préféré. L’ exemplaire daté du 23 juillet, par exemple, revient sur une avant-première du film à SeaWorld dont l’ intégralité des recettes avait été versée à une association   « Find the Children » présidée par la propre femme du producteur Alan Landsburg: Linda Otto. L’ organisation ,toujours en activité, est depuis 1983  présente sur le terrain préventif (maltraitance, abus sexuels) et travail sans relâche à retrouver la trace d’ enfants disparus. Elle accompagne aussi les parents dans leurs démarches administratives et bien évidemment dans l’ aide matériel. Même depuis la mort de sa compagne le 27 juin 2004, Alan Landsburg reste proche de cette formidable association… L’ article en question, signé Terry Head (et joliment illustré par Kathy Wildman) est, comme vous allez pouvoir vous en rendre compte, particulièrement précis quant au déroulement de l’ évènement. On y apprend, entre autre, que près de 500 chanceux (accompagnées de nombreux enfants) étaient présents ce jeudi 22 juillet (la veille de la sortie nationale) et que l’ opération permis de réunir près de 15000 dollars… Une coquette somme qui, à coup sûr, aura servi à rendre le monde un peu meilleur. 

Présent dans les kiosques  depuis 1976, Première (le magazine du plus fort du cinéma) fait figure de poids lourd au sein de la presse hexagonale. Pourtant, on se demande encore comment un magazine de cette qualité  a pu conserver et fidéliser un lectorat. Surtout après avoir délivré une critique des Dents de la mer 3 aussi sévère et injuste (qui a dit méritée ?)… Seule certitude, le coupable de cette ignominie de 250 mots (consultable ici) devra un jour répondre de ses actes… Profitons de cette article pour saluer le courage d’ un de nos plus fidèles lecteurs: Alex qui, tel un archéologue, brave régulièrement la poussière et les toiles d’ araignées pour ramener à la surface ces trésors inestimables. Longue vie à ceux qui ne jettent rien!

Avec cette nouvelle vague 3D, on entend (et on peut lire) tout et n’ importe quoi… La palme de la plus grosse bêtise revient aux nombreux journalistes qui s’ étendent sur les soi-disant lunettes rouges et vertes distribuées pendant les projections de Jaws 3D alors que l’ on sait très bien que le film n’ a jamais été projeté en anaglyphe… Et ce sont généralement ces mêmes personnes qui émettent des réservent quant à la qualité du relief! Bref, on aura tout vu. Plus intéressant est cet extrait du Eugène Register-guard daté du 4 aout 1983 qui prouve que la réussite du film (d’ un point de vue purement technique) dépend surtout du matériel de projection. Malgré les moyens mis en oeuvre par Universal pour former les milliers d’ opérateur de cabines du territoire américain, Rupert Hitzig faisait déjà part de ses doutes dans le numéro special 3D de l’ American cinematographer en déclarant: « I just hope we are not too early and that improved adapter lenses, highter wattage projection bulbs and better glasses will be here by July« . Visiblement, ses inquiétudes étaient légitimes…

Pour avoir exploité L’ ultimo Squalo de Castellari sous le titre de Tiburon 3, l’ Espagne se retrouve dans une situation particulièrement compliquée au moment de lâcher la bombe Jaws 3-D dans les salles de cinémas. Après avoir pensé à distribuer le film de Joe Alves sous le titre de Tiburon 3a Parte, CIC fini par le baptiser Jaws 3-D El Gran Tiburon au risque de troubler une partie du public… Peu importe. Ce pressbook 4 pages au format A4 est une pièce de collection plutôt rare en dehors de la péninsule ibérique qui devrait apporter la touche d’ exotisme nécessaire en cette période estivale… La couverture de cet objet reprend, comme vous pouvez le constater, l’ indispensable visuel de Gary Meyer auquel on a ajouté le sous-titre EL GRAN TIBURON en lettre jaune. A noter l’ absence de contour sur celles du titre original.

A l’ intérieur, vous trouverez une fiche technique plutôt succincte accompagnée d’ un synopsis (qui présente le film en tant que Tiburon 3a Parte-3D) et de 5 photographies N&B, plutôt communes, qui n’ appartiennent cependant pas à la série de clichés utilisés pour les lobby cards espagnoles… La dernière page ne vaut pas la peine qu’ on s’ y attarde puisqu’ elle n’ offre qu’ une liste des bureaux CIC à travers l’ Espagne. On aurait préféré quelques images du monstre.

Replongeons-nous dans la presse d’ époque et plus particulièrement dans les quotidiens du mois de juillet 1983. Ces parutions (consultables en grande partie sur la toile) accordent généralement beaucoup de place à la sortie évènement de l’ été: Jaws 3D. C’ est bien évidemment le cas du journal floridien Sarasota Herald Tribune qui offre à ses lecteurs une critique plutôt positive du film (bien que sceptique quant à la qualité du relief) et quelques informations sur le tournage au Sea World d’ Orlando.

C’ est cet article consacré au parc qui retiendra plus particulièrement notre attention. On y apprend qu’ en décidant de faire de Sea World le principal décor, Alan Landsburg a grandement apporté à l’ économie locale à hauteur de 12 millions de dollars. Le désormais réalisateur John Putch se souvient, dans le livre A Jaws Companion, avoir participé à sa manière: « We really bonded… I think I drank my paycheck with them every week at the bar, with these great new york grips, electricians and P.H Moriarty!  »

L’ article se focalise aussi sur la volonté des officiels d’ avoir un film qui respecte parfaitement la politique de Sea World en particulier dans la nature des soins prodigués. L’ authenticité et la crédibilité dans le comportement des animaux dépeints à l’ écran a, comme on le sait depuis quelques jours, été scrupuleusement surveillé. C’ est ce que confirme Elizabeth Jennings, alors attachée de presse (et plutôt optimiste quant aux retombées du film) . Elle revient aussi sur les modifications que le parc aura connu pendant ces 6 mois pour le besoin du tournage (bumper boats, plage artificielle, neptune room…) . Le shSHSHARK TANK (qui n’ a plus aucun secret pour vous…) est lui aussi abordé.

On termine enfin avec les deux Ad Slick reproduits dans les pages du Sarasota Herald Tribune . Les plus aguerris d’ entre vous remarqueront rapidement que celui de gauche n’ avait pas encore été traité sur le site. Je les félicite!!!

Ces coupures presse d’ époque demeurent de fantastiques sources d’ informations pour l’ ensemble des fans que nous sommes. En témoigne cet article daté du 12 aout 1982 et paru dans le journal local floridien, le Gainesville Sun qui nous annonce fièrement que le nouveau Jaws sera presque entièrement filmé à Orlando (entre 85 et 90%) pendant près de 6 semaines . Le reste du long-métrage serait mis en boite au Sea World de San Diego mais aussi en pleine mer (comme pour la séquence de la pyramide humaine au début du film)… Dans The Montreal Gazette publié le lendemain, Dick Howard, alors vice-président du parc, déclare que le script de ce troisième Dents de la mer a été intégralement supervisé par les officiels afin de s’ assurer que les informations liées à la vie marine étaient techniquement exactes. Il le décrit alors comme « effrayant« …

Fondé en 1974 par Dick Durell et Matthew Maynard, People Weekly (désormais People) est comme son nom l’ indique le genre de presse hebdomadaire que l’ on retrouverait plus volontier dans les salles d’ attentes des dentistes que dans les cartons d’ un collectionneur cinéphage. Et pourtant comment résister à la tentation de se procurer ce numéro datant du 25 juillet 1983 qui nous offre en couverture un John Travolta piqué aux hormones pour les besoins du Staying Alive de Sylvester Stallone ? Sans parler de ces 3 pages noir et blanc entièrement consacrées à la fièvre 3D qui venait à peine de s’emparer d’ Hollywood… Un article que l’on jugera au mieux comme baclé qui coïncide bien évidemment avec la sortie en salles du film évènement de Joe Alves.

Affublé d’une paire de lunettes 3D ressemblant vaguement aux exemplaires distribués lors des séances du film, notre requin préféré se paie le luxe de s’ afficher sur une double page à l’instar de la pin-up du mois. Pourtant ce magnifique carcharodon carcharias aux dents particulièrement aiguisées n’ apparait à aucun moment du film. Et pour cause, ce monstre n’ est qu’un modèle d’ exposition installé au Sea World d’ Orlando pendant le tournage. Un monstre que nous retrouverons très bientôt à la une de votre site favori.

Comme on pouvait s’en douter, le travail de la journaliste Susan Champlin offre la part belle à deux des principaux responsables de Jaws 3D soit le specialiste de la photographie 3D Chris Condon et le producteur Rupert Hitzig. A quelques jours de la sortie nationale, ce dernier avoue même que ce troisième Dents de la mer aurait pu être encore meilleur: « We could use another year on the film. If we did it over again it could be fantastic. Right now, it’s only very good.  » Des déclarations qui sonnent malheureusement comme un aveu d’ échec et qui ne rassuront pas le sceptique Arthur Knight (critique de cinéma décédé en 1991): « I haven’t seen Jaws 3-D yet, but I have my doubts. Universal isn’t screening it until the day of the opening. They claim they don’t have the proper equipment. I think if they had a good deal of confidence in the movie, they’d find the facilities to show it. » Notons pour terminer, cette phrase de notre ami Rupert qui pourrait parfaitement résumer le spectacle que nous offre ce nouvel opus: « The shark can come through the screen and take a bite out of your posterior. »  Toute une promesse…

Reprenons en douceur avec cette review  issue du numéro 76 du célèbre magazine Starlog. Sous la plume de David McDonnell, alors rédacteur en chef, Jaws 3D se fait légèrement démonter pour son absence de tension et le manque de profondeur des personnages (une critique récurrente dans la presse d’ époque et un comble pour un film en 3D). Rien de particulièrement violent, donc, surtout si on compare avec l’ ensemble des atrocités parues pendant l’ été 83. On regrettera tout de même le peu de place accordée au film de Joe Alves même si le fascinant Vidéodrome de Cronenberg et l’ excellent Blue Thunder de John Badham sont plus ou moins logés à la même enseigne… Profitons de ce court article pour rendre hommage une fois de plus au travail du Starlog-addict John Zipperer du site Weimar World Service qui ne rechigne jamais à se replonger dans ses archives pour le plus grand plaisir des fans de Jaws 3D!!!